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OBSERVATIONS SUR LA FAUNE LOCALE

J’avais en fait choisi cette expédition pour échapper à la morosité de la France, et à ma famille cherchant à me décourager de poursuivre dans ce domaine ou supposément tout ce qui était intéressant avait été découvert. J’avais d’ailleurs choisi cette spécialité à l’université pour cette même raison, dans l’espoir de prouver le contraire, de découvrir quelque chose d’important qui changerait la face de l’humanité, à l’instar de Darwin ou de Valenciennes. Mes recherches étaient donc plutôt au point mort depuis notre arrivée, rien d’excitant ou de nouveau par rapport aux expéditions précédentes. Je ne m’attendais pas à découvrir beaucoup de formes de vie sur le continent le plus au sud de notre planète, des poissons, quelques oiseaux ou mammifères marins, mais il semble que ma formation en zoologie ne m’ai pas préparé à cette rencontre avec la créature le plus fascinante et mystérieuse qu’il m’eu été donne de voir. Je m’enfonçais donc régulièrement dans la plaine gelée pour prendre quelques échantillons de glace dans le but de voir si les bactéries habituellement rencontrées dans la nature sont les mêmes ou si la température permet l’apparition de créatures microscopiques inhabituelles et inusitées visibles seulement à une température aussi extrême.

 

Lors d’une de mes sorties par contre, j’ai eu l’occasion d’observer au loin une longue procession d’oiseau, semble-t-il. Ceux-ci ne volait pas, mais marchait plutôt étrangement l’un à la suite de l’autre. La procession semblait interminable comme si des milliers ou des millions d’individus se seraient donné rendez-vous au même moment dans cet endroit désolé. J’ai suivi les pingouins, faute de meilleur nom pour les distinguer, à bonne distance pour ne pas les déranger dans leur rituel. Je m’éloignais vraiment beaucoup du campement à présent, Dieu seul sait où ces oiseaux devaient se rendre.

 

J’ai du faire du bruit puisqu’à un certain moment, les oiseaux se sont arrêtés d’un seul mouvement pour me regarder comme si leur conscience ne faisait qu’une. Puis ils ont émis ce cri, persistant, dérangeant, comme un avertissement destiné à m’effrayer, à m’éloigner. J’aurais du écouter cet avertissement. Au lieu de cela j’ai agit comme tout bon zoologiste, j’ai cessé de bouger, de respirer même, attendant le moment où les pingouins reprendraient leur marche, où ils oublieraient ma présence. Effectivement, après ce que j’ai pris pour une éternité, la procession a repris. Je suis resté immobile, pendant des heures, jusqu’à ce que le dernier d’entre eux passe et soit hors de ma vue. Et je suis retourné au campement, il commençait à être très tard, même si le soleil était encore très haut, ce continent peut être très perturbant, même la nuit ne semble pas avoir d’emprise ici.

 

Le lendemain en me levant je suis sorti pour aller prendre une bouffée d’air et fumer pour me ressaisir. J’ai remarqué des traces d’animaux sur le sol autour du campement, mais pas seulement n’importe quels animaux, des traces de pattes d’oiseau, disproportionnées et maladroites. Je n’y ai pas porté plus attention que nécessaire à ce moment, mais il semble que rien dans cet endroit n’est ce qu’il prétend être et j’aurais du me poser plus de question, mais je ne savais pas ce que l’avenir nous réservait, ni pourquoi tout cela était un signe que nous devions partir, que notre destin avait déjà été scellé.

 

Je suis donc reparti dans la direction où j’ai vu les oiseaux la première fois. Cette fois rien en vu, pas d’oiseau, seulement les traces de pas dans la neige. J’ai suivi les traces jusqu’à une falaise, puis plus rien comme si les oiseaux s’étaient soudainement volatilisés. J’ai pris le temps de faire quelques croquis de l’endroit, et des traces dans la neige. Rien ne me laissait présager de la suite. Je suis donc revenu au campement pour éclaircir mes idées et mettre de l’ordre dans mes notes, dans l’espoir que le lendemain je pourrais revoir un de ces splendide spécimen d’oiseau. Je n’allais pas être déçu, sur le chemin du retour je ne prêtais pas trop attention au paysage, mais soudain il se tenait à gauche de moi, à environ une cinquantaine de mètres, un oiseau d’une magnifique stature, noir et blanc, avec une légère touche de jaune, d’or même peut-être. Ces plumes resplendissaient dans le soleil éternel avec un éclat presque métallique. Je me suis arrêté, il m’a regardé longuement comme s’il m’observait, me jaugeait, puis est reparti avec sa démarche lourdaude.

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